La vidéo en arrière-plan sur le web, fausse bonne idée ?
Imaginez, nous sommes un mardi, 12h30, vous prenez votre pause de midi et discutez avec vos collègues…
Une agence digitale travaille depuis 3 mois sur la création de votre nouveau site web. Vous souhaitez que ce dernier vous représente mieux, qu’il soit à l’image de ce que vous faites, afin que les personnes visitant votre site soient immédiatement plongées dans votre univers.
Après avoir débattu à propos de la meilleure manière pour mettre votre boîte en avant, une idée vous vient : LA VIDÉO PROMOTIONNELLE. Celle qui avait été tournée dans votre boîte il y a environ un an, qui est votre fierté mais qui n’a jamais vraiment reçu la diffusion qu’elle méritait… Vous en faites part à l’assemblée et les avis sont unanimes : elle est extraordinaire, elle doit voir le jour auprès de votre public.
C’est décidé, cette vidéo sera la meilleure manière de présenter vos services, vous désirez l’inclure comme premier élément de la page d’accueil, visible en arrière plan pour que personne ne puisse la rater.
Oui, mais… votre agence est beaucoup moins enthousiaste que vous.
Captiver sans exclure
La vidéo est devenue omniprésente. Que nous la consommions pour nous divertir ou pour nous instruire, elle attire l’œil par son côté dynamique et généralement esthétique. Quoi de plus normal, donc, que de vouloir l’intégrer à votre vitrine en ligne : le site internet ?
Outre l’aspect humain et de proximité que la vidéo induit, elle permet en théorie de faire passer des messages facilement et avec une certaine efficacité.
Transmettre votre message est évidemment primordial mais encore faut-il que l’entièreté de votre public soit en capacité de le recevoir. C’est alors que l’on parle d’accessibilité.
L’accessibilité est une démarche qui vise à garantir que les technologies numériques sont disponibles à toutes et tous y compris aux personnes en situation de handicap.
Source : AnySurfer
Il s’agit alors d’anticiper un maximum les problèmes que votre audience pourrait rencontrer et de faire au mieux pour rendre le contenu de votre site le plus compréhensible (contenu en Facile A Lire et à Comprendre – FALC par exemple ; structure de site simple, claire et hiérarchisée ; etc.) et accessible possible pour tous et toutes.
Un média, plusieurs réalités
Il est parfois difficile de se rendre compte des réalités des personnes qui nous entourent et des perceptions de leurs quotidiens, sensiblement différentes des nôtres. Dès lors, qu’est-ce qui pourrait gêner la pleine appréciation de votre vidéo ?
Voici quelques pistes de réflexion :
- Si votre connexion est rapide et stable, ce n’est peut-être pas le cas de celle de votre voisin ou voisine. La vidéo est un média lourd à charger et vous ne maîtrisez pas la puissance de la connexion internet du public auquel vous vous adressez.
- La superposition et le noyage d’informations. Il n’est pas rare que l’on ajoute un titre et/ou du texte sur une vidéo. Cependant, cette dernière est nativement un assemblage de coloris, d’effets et de mouvements qui rendent la lisibilité d’un texte superposé très compliquée. Les personnes avec une déficience visuelle et/ou qui ont des difficultés à se concentrer sur un texte immobile superposé à une image en mouvement seront particulièrement en situation de handicap sur ce point.
- La multiplicité des réactions face aux mêmes stimuli. Certains mouvements et certains sons peuvent causer des troubles vestibulaires* chez les personnes selon leur seuil de tolérance. Il est alors difficile de prédire un comportement ou une réaction au grand nombre de déclencheurs que peut contenir une vidéo.
- Servir un message sans distraire. Esthétisme, dynamisme et “effet wahou” mis à part, il est indispensable de se demander si votre vidéo est la meilleure manière de transmettre votre message. Ne risque-t-elle pas au contraire, de distraire votre public et de rendre vos intentions confuses ? Si elle n’est pas visionnée jusqu’au bout, quelles informations seront manquées ? Etc.
*Le système vestibulaire est la partie de l’oreille interne qui est responsable de l’équilibre et de la coordination des mouvements. Lorsque ce système ne fonctionne pas correctement, cela peut entraîner des symptômes comme des étourdissements, des vertiges, des sensations de déséquilibre, et parfois des nausées. On appelle cela des “troubles vestibulaires”. Ils perturbent notre capacité à maintenir l’équilibre et à savoir où se trouve notre corps dans l’espace.
Partager pour inclure
Après considération, vous maintenez que l’ajout d’une vidéo en fond de la page d’accueil de votre site est la solution idéale, qui vous permettra d’allier esthétisme, dynamisme et compréhension.
Pour accompagner cette prise de position et s’assurer qu’elle ne se retourne pas contre vous, voici quelques conseils pour que les vidéos sur votre site web ne vous coupent pas d’une partie de votre public.
- L’ajout de sous-titres. Lorsque vous utilisez une vidéo dans laquelle une voix est perceptible, il est primordial d’ajouter des sous-titres. Comme dans un film, faites les apparaître “phrase par phrase” et non “mot à mot” afin de fluidifier la lecture. Veillez également à leur synchronisation avec le contenu audio.
- L’ajout de transcription. Plus détaillée que le sous-titre, la transcription décrit en détails ce qu’il se passe à l’écran. Ce qu’on y voit et entend est disponible en texte et permet d’être lu notamment par un lecteur d’écran. La transcription descriptive est une nécessité pour les personnes malvoyantes et malentendantes.
- Le contraste texte/image. Lors de l’ajout d’un titre ou d’un texte par-dessus votre vidéo, assurez-vous que le contraste soit suffisant entre les deux afin que la distinction soit aisée et le texte clairement lisible. Vous pouvez directement évaluer le niveau de contraste via un outil comme celui proposé par WebAIM, ou demander conseil à votre agence web/designer.
- La possibilité d’interrompre. Les personnes qui visionnent votre vidéo peuvent avoir envie ou besoin de l’arrêter. Ajoutez a minima un bouton permettant de stopper ou mettre en pause l’animation, pour donner le choix. Par exemple, le site web de l’Athénée Royal Leonardo Da Vinci vous accueille avec une vidéo de présentation de son établissement à laquelle a été ajouté un bouton “Mettre la vidéo en pause”.
La situation fictive et la problématique à l’origine de cet article paraissent innocemment simples : intégrer une vidéo en arrière-plan de la page d’accueil.
Pourtant, c’est en réfléchissant et en questionnant l’ensemble des choix éditoriaux pour un site web que l’on se rend compte des répercussions qu’une action, d’apparence anodine, peut avoir sur le public auquel elle se destine. En effet, un site web se doit d’être pensé pour “les autres” (c’est-à-dire les personnes finales qui vont l’utiliser) avant d’être pensé “pour soi” (c’est-à-dire les personnes qui le créent ou le gèrent).
L’expérience globale dépendra inévitablement de l’attention portée aux réalités, impératifs et supports de chacun et chacune.
Animé par l’envie d’arriver à un web plus accessible et inclusif, cet article n’a pas la prétention de garantir l’exhaustivité des réponses apportées ni des situations propres à chacun et chacune d’entre nous. Le partage et la discussion sont néanmoins les premières étapes de cette aventure passionnante, et nous aurons grand plaisir à recevoir vos remarques ou questions à l’adresse info@spade.be.